Smile to pay ou la nouvelle dystopie chinoise !
Chine, Reconnaissance Faciale
Le fait
Futuremart dernier magasin autonome officialisé par Alibaba le 27 avril à Hangzhou lieu de son siège, confirme la volonté de ce dernier d’imposer son digital ID par reconnaissance faciale dans son écosystème (voir Commerce Reloaded 2018).
Tout comme Amazon Go (US), Bingobox (Chine), et particulièrement Taocafé (Alibaba), les clients entrent dans le magasin, numérisent un QR code lié au système de paiement mobile Alipay, ensuite les capteurs video et RFID enregistrent les articles que les clients choisissent et facturent automatiquement le panier lorsqu’ils quittent le magasin, créant ainsi un parcours sans couture !
Last but not least Alibaba propose lors du paiement par reconnaissance faciale via la fonction « Happy Go » d’offrir des réductions à ceux qui présentent un sourire convaincant, le fameux ‘Smile to pay’ .
De son côté Tencent a dévoilé son premier magasin autonome à Shanghai le 20 janvier dernier, qui fonctionne de la même manière que Futuremart sauf que les clients utilisent WeChat Pay au lieu d’Alipay.
Pour rappel les 2 géants détiennent 90% du paiement mobile en Chine.
Comme évoqué lors de Commerce Reloaded 2018, les géants du net Chinois confirment leur volonté de combiner le retail physique et le commerce en ligne pour offrir une expérience ininterrompue basée sur le smartphone et la reconnaissance faciale.
Cette démocratisation du paiement par reconnaissance faciale est aussi portée par l’enseigne Jian 24 à Shanghai.
Le décodage
En 2017, 15,2 milliards de dollars ont été investis mondialement dans des start-ups spécialisées dans l’AI, et près de la moitié de cette somme a été portée par la Chine, contre 38% par les US (CB Insights).
Si la Chine domine le monde en termes d’investissement dans l’IA, le gouvernement et les BATX en sont les principaux dépositaires.
Le 20 juillet 2017, le gouvernement chinois a annoncé le lancement d’un plan de développement de l’intelligence artificielle qui pourrait faire croître la richesse nationale de 26 % d’ici à 2030.
Dans le secteur privé, Alibaba va investir 15 milliards de dollars dans l’IA, entre 2018 et 2021.
La reconnaissance faciale représente la plus grande part de l’investissement dans l’IA dont les principaux représentants nationaux sont Sensetime et Megvii (voir graphique).
Le premier, Sensetime, à titre d’exemple, travaille avec le gouvernement (D’ici 2020, plus de 700 millions de caméras à reconnaissance faciale seront installées, permettant d’associer une identité sociale aux visages filmés tout en identifiant l’âge, le sexe et les traits du visage), quant à Megvii , il est essentiellement spécialisé dans le paiement dont Alibaba.
De manière paradoxale le gouvernement cherche à légiférer la protection des données des consommateurs tout en bâtissant d’immenses bases de données dans le cadre de son projet de crédit social avec la connivence des BATX. Le gouvernement évalue ainsi ses citoyens en utilisant ce système de crédit social (lancé par Alibaba sous le nom de Sesame Credit), qui est basée sur le comportement. Cette note, échelonnée entre 350 et 950 points, varie selon les actions en ligne et dans la vie réelle, tout comme dans le premier épisode de la troisième saison (Nosedive) de Black Mirror.
Le lien fusionnel entre le gouvernement et les BATX se confirme quand WeChat (Tencent) à Guangzhou, permet à 13,5 millions d’habitants d’utiliser leurs smartphones et la technologie de reconnaissance faciale pour relier leurs cartes d’identité nationales à leurs comptes WeChat.
Si côté occident suite au scandale de l’appropriation des données personnelles de 50 millions d’utilisateurs de Facebook par la société Cambridge Analytica, qui a impacté l’élection de Donald Trump et le vote en faveur du Brexit, une étude de l’Université d’Oxford vient de conclure que Facebook et Twitter étaient déjà devenus des outils de contrôle social tout en restant encore loin d’un scoring social .
Les BATX et le gouvernement préemptent tous les interstices des moments de vie des consommateurs et des citoyens sous couvert d’AI. La Chine gagnera surement la course à l’intelligence artificielle en mettant en place une vie ultra-connectée et sous contrôle, régulé sur l’évolution du score de crédit social. Le nouveau règlement européen sur la protection des données (RGPD) fera-t-il école à travers le monde, y compris aux États-Unis et en Chine ?
L’Echangeur se rendra au CES ASIA de Shanghai 13-15 juin 2018 afin de rendre compte des dernières évolutions technologiques et concepts stores et ainsi confirmer ou pas ces tendances. Retrouvez nos debriefings sur Twitter.
