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Une pandémie peut-elle avoir raison de la monnaie fiduciaire ?

06
avr
2020
Nicolas DIACONO
Technology Trends Manager
6 minutes
Aujourd’hui, face à la crise sanitaire mondiale, le paiement sans contact est très largement conseillé pour limiter les risques et la peur de la contamination par l’argent fiduciaire (i.e : l’argent liquide). Des dizaines de pays ont relevé leur plafond de paiement sans contact. L’Autorité Bancaire Européenne a recommandé de monter le plafond à 50€, le 25 mars dernier. Mastercard affirme, qu’avec la crise, 75% des transactions effectuées avec ses cartes en Europe sont en mode sans contact !

Le fait

La crise sanitaire mondiale rebat les cartes du paiement. En effet, le paiement sans contact est très largement conseillé pour limiter les risques de la contamination par la monnaie fiduciaire. Il réduit également la peur de transmission au moment.

En France, 70% des transactions de proximité se faisaient encore en espèces avant la crise du Covid-19. Depuis, de nombreux commerçants de proximité n’acceptent que le paiement par carte bancaire et, pour certains, uniquement en mode sans contact. Autre exemple avec le paiement par SMS des tickets de bus qui a été généralisé à toutes les lignes en Ile-de-France depuis le 18 mars. Bien entendu, la dématérialisation des paiements s’étend bien au-delà de la France !

Des dizaines de pays ont relevé leur plafond de paiement sans contact que ce soit de manière permanente (Pologne, Irlande, Estonie…) ou temporaire (Allemagne, Grèce, Pays-Bas…). Pour le moment, ce n’est pas le cas en France.

De son côté, l’Autorité Bancaire Européenne a recommandé de monter le plafond des paiements sans contact à 50€, le 25 mars dernier. Mastercard affirme qu’avec la crise 75% des transactions européennes effectuées avec ses cartes sont en mode sans contact !

Avant la crise du coronavirus, 80% des banques centrales avaient pour objectif de travailler sur la création de monnaies digitales et 10% d’entre elles avaient des pilotes en cours comme en Suède. Dans ce pays, seulement 15% des paiements sont réalisés en espèces. Le World Economic Forum a d’ailleurs publié un guide sur les politiques de mise en place de monnaies digitales centrales, à destination des banques centrales.

La pandémie va-t-elle sonner le glas de la monnaie fiduciaire en accélérant le déploiement des projets de monnaies digitales et en démocratisant l’usage du sans contact ? Va-t-on vers la domination des monnaies scripturales ?

Le décodage

En cette période de crise sanitaire, l’usage de la monnaie fiduciaire fait peur car fortement liée à des risques de contamination, même si ceux-ci semblent minimes selon l’Organisation mondiale de la santé. Face à cette peur, il est fort probable qu’à la sortie des confinements les différentes populations limitent l’usage des paiements en espèces et privilégient les paiements sans contact, dans la crainte d’une seconde vague épidémique du COVID-19. Le comportement autour du paiement va s’en trouver modifié sur le long terme. Les pays ayant relevé le plafond de paiement en sans contact de manière permanente vont très certainement voir sur le long terme une grande adoption de ce moyen de paiement.

Le débat sur la fin de la monnaie fiduciaire existe depuis des décennies avec pour principal objectif la lutte contre la fraude et les fausses monnaies. La création d’une monnaie digitale par une banque centrale c’est aussi la facilitation de l’accès aux services financiers et un meilleur contrôle sur les échanges financiers.

Les Etats-Unis ont réfléchi à la création d’un dollar numérique également dans le cadre du plan de stimulation à l’économie (CARES Act voté le 25 mars) afin de faciliter l’envoi des sommes d’argent promises aux foyers américains (jusqu’à 3000$ par foyer). Au regard des contraintes technologiques, des coûts et de l’urgence, cette solution n’a pas été retenue. Toutefois, dans les prochains mois, avec la relance économique, ce projet va très certainement revenir sur le devant de la scène, afin de redonner à l’administration de la Maison Blanche, la main du pouvoir économique. C’est aussi le moyen de se protéger de la désintermédiation face aux projets des GAFA comme celui de Facebook avec sa cryptomonnaie Libra.

La Chine, qui elle aussi réfléchit à un yuan numérique, a réussi à limiter l’usage des paiements en espèces dans le quotidien des chinois grâce à deux wallets digitaux : Alipay et WeChatPay ! Désormais, seulement 11% des paiements dans les magasins de proximité des grandes villes chinoises sont réalisés en espèces (source ChinaChannel). Et quel meilleur moyen de contrôler un peu plus la population chinoise que de lancer cette monnaie digitale centralisée. C’est l’outil de tracking ultime de la consommation et des comportements de la population. La Chine, actuellement en pleine sortie de la crise, devrait accélérer son projet de yuan digital pour lancer un test grandeur nature en 2020.

La généralisation des monnaies numériques par les banques centrales comme à Singapour ou aux Îles Marshall ne fait aucun doute sur les 5 prochaines années.

La création de monnaies digitales centrales c’est le moyen de redonner directement un pouvoir aux banques centrales et non pas seulement une influence. C’est le moyen le plus approprié pour lutter contre la fraude en offrant une traçabilité ultime. C’est aussi la réponse des institutions étatiques face à la menace des cryptomonnaies décentralisées et non régulées. La dimension sanitaire devient alors l’argument idéal pour limiter au maximum l’usage de la monnaie fiduciaire !

Cependant, une digitalisation massive des monnaies du monde va soulever des problèmes énergétiques et écologiques puisque selon certaines études, si toutes les transactions financières mondiales étaient digitalisées cela pourrait accélérer la hausse de la température de la planète. En effet, elle augmenterait de 2°C d’ici 5 ans au lieu des 10 ans actuellement prévus. Pour éviter cela, l’Europe travaille sur des projets de blockchain à faible impact énergétique. Ce qui pourrait être la base de l’infrastructure des monnaies digitales européennes. Il faut également se rendre compte qu’en 2019 l’ensemble des activités digitales a consommé autant d’énergie que toutes les activités économiques de la planète en 2010. Cet enjeu va donc de pair avec la digitalisation de la monnaie.

Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui évident que le COVID-19 va accélérer les projets de monnaies digitales centrales, en offrant l’argument idéal à ce changement de paradigme…2020 marquera sans doute le début de la chute de la monnaie fiduciaire à l’échelle mondiale au profit des monnaies scripturales et donc digitales !

Nicolas DIACONO
Technology Trends Manager
Expert des technologiques émergentes, Nicolas parcourt les salons innovations de par le monde pour sentir les nouvelles tendances.
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