Näraffär invente la première supérette 100% libre-service
Le fait
En octobre 2015, Albert Heijn, l’enseigne alimentaire néerlandaise, lançait à Amsterdam le premier supermarché sans caissière. À Viken, petit village suédois d’environ 4 000 âmes, Robert Ilijason vient de pousser l’idée encore plus loin : supprimer l’intégralité du personnel en point de vente ! Après avoir téléchargé l’application, le client se débrouille tout seul !
Pour ouvrir la porte du magasin de 42m², il lui suffit d’un glissement de doigt sur son smartphone. Traduisible par « à côté de chez vous », Näraffär est de fait accessible 24h/24 et 7j/7. Misant sur la proximité, son offre est constituée de produits de base : lait, pain, sucreries, conserves ou couches. Pour remplir son panier, le client utilise encore son téléphone en scannant le code barre de l’article. Une fois ses courses terminées, il quitte le magasin sans payer. L’application étant liée à son compte bancaire, il sera directement débité et ce, jusqu’à 60 jours après son achat.
Source : viken.naraffar.se
Ainsi, la seule intervention humaine reste celle du remplissage des rayons effectué directement par Robert Ilijason. L’offre est d’ailleurs évolutive. Si une référence n’est pas disponible dans l’assortiment, il suffit de la demander via l’application. Näraffär essayera alors de la référencer à un prix attractif. La suppression des coûts de personnel est en effet investie en baisse de prix et non augmentation de la marge.
Reste la question de la sécurité. Pour éviter la démarque, le magasin est équipé de 6 caméras de surveillance. Le propriétaire reçoit une alerte SMS si la porte du magasin est ouverte plus de 8 secondes ou si quelqu’un tente de la forcer.
Le décryptage
Quel est le point commun entre des sociétés aussi différentes que Deliveroo, Airbnb, Ola, Etsy, Prosper et Näraffär ? Toutes se sont créées à partir d’une expérience client ratée. Le fameux Customer Centric ! L’idée de Näraffär a germé un soir alors que Robert Ilijason était seul à la maison avec son fils affamé. Ayant fait tomber le dernier petit pot de bébé, il a dû « conduire 20 minutes avant trouver un supermarché ouvert ». De retour chez lui, l’idée d’une supérette de village accessible à tout moment était née.
De fait, entre assurance de pouvoir se dépanner pour un coût raisonnable, et gain de temps, Näraffär offre une réponse adaptée aux attentes et contraintes des habitants des villages. En effet, ces derniers ont vu, au fil des années, leurs commerces fermer au bénéfice de supermarchés situés dans des villes de taille moyenne. Logiquement, l’ambition de Robert Ilijason est « d’étendre l’idée à d’autres villages et petites villes » ; deux nouveaux points de vente sont d’ailleurs annoncés dans les provinces de Skåne et Småland. Ceci permettra de valider le business model avant un éventuel déploiement à l’échelle nationale.
Reste à savoir si les clients souhaitent et sont en mesure d’utiliser les technologies ? Aujourd’hui, la Suède est l’un des pays européen où l’usage du mobile est le plus répandu. 46% des acheteurs en ligne suédois ont ainsi réglé un achat, au moins une fois, avec leur mobile. Pour les jeunes et les familles en manque de temps, la question ne se pose pas. Le bénéfice« temps » est parfaitement perçu comme l’atteste Raymond Arvidsson, un client âgé d’une quarantaine d’années : « quick in, no queues, quick out. I like ! » Reste les seniors, tels Tuve Nilsson âgé de 75 ans et vivant seul, pour lesquels l’usage du smartphone peut s’avérer problématique : « if I can manage this technology, I don’t know. Sometimes I don’t understand it. » Si Robert Ilijason réfléchit à des solutions (lecteur de carte pour ouvrir les portes, recruter, une personne pour quelques heures, etc.), on peut aussi imaginer que consommateurs vont s’auto-organiser faisant du point de vente un lieu de rendez-vous et d’échanges. C’est d’ailleurs l’un des premiers bénéfices du concept : remettre de la vie au sein du village.
Le modèle peut-il être déployé à plus grande échelle sur des tailles plus importantes de magasins ? Si le problème réside dans la question de la lutte contre la démarque, l’enseigne peut toutefois capitaliser sur l’usage du self-scanning. Pourquoi devoir acheter des douchettes ou lecteurs de code barre lorsque les clients possèdent déjà leur propre équipement : leur smartphone. C’est, par exemple, l’expérimentation menée par le distributeur français Intermarché, dans l’un de ses points de vente situé en banlieue parisienne. En poussant l’utilisation du téléphone du client, le point de vente développe mécaniquement l’usage de son application mobile … vecteur potentiel d’une nouvelle approche de la Relation Client centrée sur la personnalisation et l’immédiateté.
Ainsi, si les initiatives de Näraffär, d’Intermarché ou d’Albert Heijn constituent une menace potentielle sur l’emploi, elles sont avant tout des réponses pratiques à l’évolution des attentes, des moteurs de consommation des clients. Reste donc aux enseignes à intégrer ces derniers pour faire évoluer leur expérience d’achat.
