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La file d’attente à l’extérieur du magasin… une opportunité à saisir pour engager le consommateur.

11
juin
2020
Matthieu JOLLY
Services & Innovation Manager
7 minutes

Magasins autonomes, livraison dans le coffre de la voiture, application de self-scanning… depuis plusieurs années, attendre est devenu un gros mot. Toutefois, l’apparition des files d‘attente à l’extérieur des magasins créée une opportunité inédite pour les marques de fidéliser à long terme leurs clients. 

Le fait

Alors que la pandémie se poursuit sur le globe, que plus de la moitié de la population mondiale est ou a été incitée à rester chez elle, les pays européens se déconfinent les uns après les autres. Ainsi, après la réouverture des commerces non indispensables mi-mai en Belgique et en France, c’est au tour du Royaume-Uni d’assouplir ses règles de confinement. En parallèle, des sites touristiques comme le château de Versailles, le Colisée de Rome, le Grand bazar d’Istanbul rouvrent eux aussi leurs portes aux visiteurs. Preuve que le commerce retrouve une certaine normalité.

Cette dernière est toutefois très relative car accompagnée de distributeurs de gel hydroalcoolique, de marquages au sol en forme de flèche, de thermomètres géants et de vitres de protection en plexiglas. Véritables tue-l’amour, les mesures sanitaires instaurées risquent de couper à plus d’un client toute envie de sortie shopping pour le plaisir.

C’est d’autant plus vrai que les jauges de fréquentation mises en place limitent fortement l’accès au point de vente. D’ailleurs elles varient fortement entre les pays : une personne pour 4m² en France, pour 10m² en Grèce et Belgique et pour 20m² en Allemagne. En Pologne et au Royaume-Uni, les clients doivent-être séparés de deux mètres au minimum.

Mais finalement, quelle que soit la règle mise en place, on observe dans tous les pays l’arrivée d’un phénomène rare avant l’épidémie de Covid-19 : la file d’attente à l’extérieur du magasin.

Pour s’en convaincre, il suffit d’aller devant l’un des magasins de l’enseigne IKEA. Début juin, la réouverture des dix-neuf points de vente britanniques a vu, comme dans les autres pays, les clients affluer. Certains ont fait trente minutes de queue dans leur voiture avant de pouvoir accéder au parking auxquelles s’ajoutent deux heures d’attente avant de pouvoir entrer dans le magasin.

 

Ces files d’attente devant les points de vente sont évidemment un indicateur réassurant compte-tenu de la situation actuelle.

 

Reste que face au risque de voir les clients rebrousser chemin, découragés par une attente trop longue, certaines enseignes innovent. Ainsi en France, l’enseigne de produits culturels et électroniques Fnac propose à ses clients de réserver, depuis son site internet, un billet coupe-file. Il suffit de le montrer à l’agent de sécurité pour pouvoir entrer en magasin sans avoir besoin de faire la queue.

 

 

De son côté, le grand magasin Galeries Lafayette Hausmann propose Exclusive Live Shopping, un service de personal shopping en live vidéo. Disponible en plusieurs langues, le client prend rendez-vous avec un personal shopper ou le conseiller de l’une des 70 marques partenaires. Présent dans le magasin, le personal shopper va pouvoir de visu renseigner le client. Grâce au live streaming, le magasin sort de ses murs et vient au-devant de ses clients.

On retrouve sur ces deux exemples une même volonté déjà affichée avant la pandémie par les équipes innovations des enseignes : supprimer l’attente notamment au niveau des caisses et de la livraison à domicile. Mais à l’heure de l’épidémie de Covid-19, ne doit-on pas penser différemment et envisager au contraire d’utiliser ces files d’attente pour renforcer la Relation Client ?

Le décryptage

En plein confinement en France, l’enseigne de supermarché Monoprix a lancé Brèves de Monoprix ou la gazette de la file d’attente. Chaque semaine, elle propose aux clients qui attendent leur tour d’entrer en magasin des conseils pour faciliter leur quotidien, des anecdotes sur l’enseigne, le témoignage d’un collaborateur, une recette de cuisine et encore des jeux pour petits et grands. Avec ce petit geste de politesse et de gentillesse, l’attente prend une nouvelle dimension tout comme d’ailleurs le magasin devenu de fait lieu de sortie et de dialogue. 

Le cas de de Monoprix est intéressant car l’enseigne ne cherchent à vendre à tout prix. Elle se met juste aux côtés du client pour l’aider à passer le temps d’une façon plus agréable. On retrouve cette logique de divertissement chez Sodimac, enseigne chilienne d’amélioration de la maison, avec son service The Hijacked Highway. Il suffit aux passagers de la voiture de mettre sur leur visage le casque de réalité virtuelle récupéré au péage de l’autoroute pour que cette dernière change du tout au tout. Les panneaux publicitaires qui encombraient le paysage sont en effet remplacés au fil des kilomètres par des objets animés tout droit sortis du dernier catalogue de l’enseigne. Un moyen original de présenter une nouvelle collection tout en égayant le trajet.

Ces deux exemples illustrent que l’attente n’est pas forcément négative. Après tout, le client fait le choix de se rendre en point de vente ce qui constitue en soi une preuve forte de son attachement vis-à-vis de l’enseigne. À cette dernière de le récompenser. Exactement ce que propose IKEA à Dubai. Son service Buy With Your Time fonctionne sur le principe du proverbe le temps c’est de l’argent. À la caisse, le client converti en argent le temps qu’il a mis pour venir en magasin. Concrètement, une minute de trajet équivaut à 150 dirhams. L’iconique sac bleu coûte ainsi 2 minutes de votre temps.

Dans ces trois exemples, la contrainte temps est détournée pour proposer au client un service nouveau et engageant. À chaque fois l’enseigne privilégie la relation à la transaction, la présence à l’esprit au porte-monnaie. Ce faisant, la relation s’inscrit dans le temps. Si on offre à un fan de baskets la possibilité d’essayer en réalité augmentée les derniers modèles de sa marque préférée avec une application comme Wanna Kicks, il va à coup sûr l’utiliser pour préparer son achat. Mais il continuera aussi à l’utiliser après avec ses amis pour découvrir les nouveautés, partager sa collection. L’effet bouche-à-oreille induit permet de rentabiliser, à moindre coût, l’investissement de départ

Alors que la crise économique n’a pas encore réellement débuté, on peut raisonnablement penser que les marques et enseignes vont devoir redoubler d’efforts pour séduire le consommateur. C’est en multipliant les initiatives utiles, en proposant des expériences inédites et parfois ludiques au client que l’enseigne va réussir à sortir du lot et à ne pas s’enfermer dans une bataille prix. Pour cela, il convient donc de remettre en question ses habitudes et convictions. La pandémie les a balayées. L’heure n’est donc pas aux économies… bien au contraire. L’heure est plus que jamais à l’innovation.

Dans tous les pays, le confinement a ainsi vu les entreprises gagner en agilité, en rapidité d’implémentation. L’innovation a été permanente… reste donc à déployer ces nouveaux services innovants auprès du public. Plus que jamais les prochains mois seront placés sous le signe de l’Innovation Service Centric.

Matthieu JOLLY
Services & Innovation Manager
Face aux mutations du commerce, les innovations d'aujourd'hui aident Matthieu à penser la relation de demain entre enseigne et consommateur.
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