Access Panel France 2022 : commerce physique ou digital dans l’ère post-Covid ?
L’Access Panel Echangeur, ce sont 14 000 individus représentatifs des Français, Belges, Espagnols et Portugais, interrogés tous les deux ans sur l’ensemble de leurs habitudes d’achat et arbitrages budgétaires : 5 000 en France et 3 000 dans les autres pays. Un outil unique qui offre une vision 360° et permet de de comprendre comment ils consomment et dépensent, pourquoi, et auprès de quelles enseignes. |
Introduction
S’appuyant sur sa plateforme d’études, l’Access Panel France 2022 et ses 5 000 Français interrogés, l’Echangeur vous dévoile en quoi la crise sanitaire a modifié de manière pérenne ou non les usages et attitudes des consommateurs Français, en particulier dans leurs arbitrages entre physique et digital.
6 tendances de consommation passées au crible, avec un enseignement majeur : une digitalisation du Commerce ? Oui mais le point de vente reste et restera clé !
Tendance n°1 – La livraison, moment clé du parcours client
Avec l’intensification des achats sur Internet depuis la pandémie, la livraison est devenue un moment clé du parcours client. S’il y a un an le Quick Commerce faisait les gros titres avec une explosion d’acteurs comme Gorillas, Flink, Cajoo, ou encore Gopuff, leur promesse d’une « livraison en 10 minutes » évolue aujourd’hui vers une terminologie plus neutre, « quelques minutes », cherchant à répondre à un besoin de fiabilité plus que de rapidité de la part du consommateur.
Seulement 13 % des Français ont recours à un service de livraison à domicile pour leurs courses alimentaires, en hausse depuis la période « pré-Covid » (+ 3 points par rapport à janvier 2020). Il existe une forte disparité selon le lieu d’habitation, en lien avec les offres proposées. 28 % des Parisiens ou habitants l’agglomération parisienne y ont eu recours au cours des 12 derniers mois.
C’est parmi eux que la progression est la plus notable : + 8 points par rapport à janvier 2020. A l’inverse, cette pratique est très peu répandue en milieu rural ou dans les petites villes de moins de 10 000 habitants (respectivement 8 % et 10 % d’entre eux).La promesse d’une livraison de ses courses en une heure, voire quelques minutes pour les Quick Commerçants, reste une promesse inaccessible aux habitants des campagnes.
Le grand gagnant de la période « post-Covid » reste indéniablement le Drive. 27 % des Français y ont eu recours au cours des 12 derniers mois (+ 7 points vs 2020). Si les ruraux sont que peu adressés par les services de livraison à domicile, ils sont logiquement les champions du
Drive : 31 % d’entre eux y ont recours, en progression de +8 points par rapport à janvier 2020. A l’inverse, seuls 14 % des Parisiens ou habitant l’agglomération utilisent ce service, alors que cette pratique est globalement bien répandue dans les autres types de ville, y compris dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants (25 %).
Praticité et gain de temps, enjeux essentiels du Drive et de la livraison alimentaire à domicile :

Au-delà du secteur alimentaire, la livraison est devenue un enjeu crucial qui s’étend à l’ensemble du commerce. 21 % des Français ont utilisé le Click & Collect pour leurs achats non alimentaires au cours des 12 derniers mois. Là encore, cette pratique a connu une forte progression comparativement à la période pré-Covid (+ 9 points par rapport à janvier 2020). L’opposition villes / campagnes est nettement moins marquée que dans le secteur alimentaire. Preuve que l’offre a su se développer, en dehors des grands centres urbains.
Répondant au même besoin de gain de temps, le Click & Collect attire des cibles similaires à celles du Drive : 30% des familles avec enfants de moins de 15 ans en sont adeptes. Lié à leur pouvoir d’achat, les familles les plus contraintes ont tendance à moins utilisées ce service (27 % des plus contraintes versus 36 % des plus aisées).
Livraison à domicile, Drive et Click & Collect non alimentaire répondent au même besoin de réduire « l’achat corvée » pour privilégier « l’achat plaisir » comme partagé lors de l’édition 2021 de la conférence Innovate Service Centric. Reste que le développement du Click & Collect dans le secteur non alimentaire représente une opportunité pour les marques et enseignes de créer du trafic dans leur magasin.
Tendance n°2 – Le digital, fossoyeur ou nouveau souffle pour le magasin ?
La crise sanitaire et les confinements successifs ont, assurément, engendré une accélération de la digitalisation des Français. Cependant, il s’agit d’une digitalisation à deux vitesses, laissant des populations largement exclues. Quels impacts à long terme sur le monde du commerce ? Le digital peut-il devenir le fossoyeur du magasin ?
L’achat sur Internet s’est désormais banalisé. Si la quasi-totalité des Français (94 %, + 2 points vs janvier 2020) a acheté au moins une fois sur Internet au cours des 12 derniers mois, la crise sanitaire a engendré une augmentation notable de la fréquence d’achat. 72 % des acheteurs online achètent au moins une fois par mois, soit une progression de + 6 points par rapport à la vague de janvier 2020. Augmentation de la fréquence d’achat ne rime pas avec augmentation du nombre de sites où sont réalisés les achats. Seulement 19 % des Français déclarent avoir acheté sur plus de 5 sites internet différents, au cours des 12 derniers mois. La tendance était similaire avant le Covid. Naturellement, on pourra faire le parallèle avec le développement des plateformes et marketplaces mais aussi avec l’évolution des sites web qui intègrent toujours plus les codes des magasins physiques.
Les usages des smartphones et tablettes ont explosé depuis 2020. Parmi ceux qui ont le plus progressé, citons le M-commerce : 42 % des Français achètent désormais sur Internet via leur smartphone ou tablette, en progression de + 10 points par rapport à janvier 2020. Le QR-code, mis à l’honneur durant la pandémie, est lui, utilisé par 36 % des Français, pour obtenir des informations sur un produit en magasin.
De manière globale, si les usages autour du smartphone se sont multipliés, ils sont encore loin d’être majoritaires dans l’ensemble de la population française. Cela illustre une digitalisation à 2 vitesses dont certaines populations restent encore largement exclues, les seniors en tête.
Explosion du M-Commerce illustrant une digitalisation à 2 vitesses :

Parmi les usages qui se sont développés, tout en restant largement minoritaires, il faut citer l’utilisation du smartphone pour payer en magasin : 11 % des Français ont adopté cette pratique (+ 4 points vs 2020). Soulignons une disparité d’usage selon le lieu d’habitation. Il s’agit avant tout d’une pratique qui se développe à Paris et dans son agglomération ainsi que dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants, avec respectivement 16 % (+ 4 points vs 2020) et 14 % (+5 points vs 2020) d’utilisateurs.
Le smartphone comme moyen de paiement reste marginal et se développe surtout chez les jeunes :

Face à l’inexorable progression des achats en ligne, face à l’évolution des expériences d’achat proposées sur les sites internet, les enseignes se doivent de répondre à une question cruciale : quel sera le rôle du magasin demain ? Tendance de fond déjà ancienne, accentuée depuis la crise sanitaire, la majorité des magasins physiques connaissent une baisse de leur fréquentation et peinent aujourd’hui à retrouver leur niveau d’avant crise.
Pour autant, les magasins continuent à avoir un rôle à jouer. 44% des Français pratiquent le ROPO (Research Online Purchase Offline), autrement dit recherchent des informations sur Internet avant d’acheter en magasin(+ 2 points vs 2020). Cela reste plus répandu que la pratique inverse, le showrooming : 30% des Français recherchent des informations en magasin, avant d’acheter sur Internet (+ 2 points vs 2020). Ajoutons que si les seniors témoignent d’un fort attachement aux magasins, les usages Internet / magasins s’avèrent plus mixés parmi les plus jeunes et les familles, toujours à la recherche de gain de temps. Cette omnicanalité exige des magasins qu’ils continuent leur mutation, pour se différencier et continuer d’exister.
Tendance n°3 – Après la voix, les réseaux sociaux, l’avenir du commerce ?
S’il est une pratique qui s’est particulièrement intensifiée depuis la pandémie, c’est bien l’usage des réseaux sociaux, devenus des médias essentiels, notamment parmi les moins de 30 ans. Cette accélération des usages doit pousser les marques à les considérer comme un point de contact majeur dans leur stratégie de développement et de fidélisation.
Si Facebook demeure le réseau social avec le plus grand nombre d’utilisateurs (68 % des Français déclarent l’utiliser), il est en perte vitesse auprès des 18-29 ans (56 % d’utilisateurs, en baisse de 11 points par rapport à janvier 2020). A l’inverse, Instagram tire son épingle du jeu. Il compte 37 % de Français utilisateurs (+ 10 points, par rapport à janvier 2020) et devient le 1er réseau social auprès des 18-29 ans avec 70 % d’utilisateurs (+5 points), suivi de Snapchat. Au-delà de ces réseaux « historiques », il convient de noter le poids important que représente déjà TikTok, réseau qui fait la part belle aux vidéos, relayées instantanément à grande échelle. Si son nombre d’utilisateurs reste encore faible, Twitch, qui s’adressait initialement aux communautés de gamers, se distingue également parmi les jeunes.
Instagram et Snapchat, les réseaux sociaux les plus utilisés par les jeunes :

Intégrer pleinement les réseaux sociaux dans sa stratégie n’est donc plus une option mais une nécessité pour les marques. Pour autant, l’achat via les réseaux sociaux n’attire pour l’instant que peu d’utilisateurs : seuls 10 % des Français ont acheté via ce canal, au cours des 12 derniers mois. Les jeunes générations se distinguent là encore : 20 % des 18-29 ans ont franchi le cap, soit trois fois plus que les plus de 60 ans (6 %).
Tendance 4 – Buy Now Pay Later, un service réservé aux Français les plus contraints financièrement ?
Avec la montée en puissance d’acteurs tels Klarna, Alma ou Floa Bank, le Buy Now Pay Later a fait partie des nouveaux mots marquants de l’année écoulée. Pour autant, l’usages des facilités de paiement n’est pas une nouveauté. Quels usages les Français en font-ils, particulièrement en ligne ? Ces services sont-ils seulement prisés par les Français les plus contraints ?
Globalement, la pratique est déjà particulièrement ancrée dans les habitudes de consommation des Français.
Usages des facilités de paiement en ligne : une pratique déjà bien ancrée :

Les jeunes se montrent particulièrement séduits par ce type d’offres : 51 % des 18-29 ans ont utilisé des facilités de paiement online au cours des 12 derniers mois.
Les familles avec des enfants de moins de 15 ans font, elles aussi, partie des adeptes du paiement fractionné comme du report de paiement (Buy Now Pay Later), sur Internet : 47 % ont recours à ces facilités de paiement. Ce chiffre est similaire quel que soit le niveau d’aisance des familles. Pour autant, face aux tensions budgétaires accrues, ces services devraient connaître un regain d’intérêt dans l’avenir.
Au-delà de ces caractéristiques socio-démographiques, plus les acheteurs Online sont des clients réguliers, plus ils utilisent des facilités de paiement online : 42 % des clients achetant au moins une fois par mois sur Internet font appel à ce service ; ils ne sont que 19 % parmi les clients plus occasionnels (moins d’un achat par mois).
Tendance 5 – Les enseignes et l’Economie Circulaire, le soufflet qui retombe ?
Autre sujet à avoir défrayé la chronique ces derniers mois, l’Economie Circulaire. Cela sous-tend un changement de modèle visant à produire des biens et services de manière durable, tout en limitant la consommation et le gaspillage des ressources.
Or, les consommateurs sont-ils prêts à privilégier l’usage à la propriété, à accorder une seconde vie aux produits, à intégrer la seconde main comme une composante essentielle de leur consommation ? Oui, en partie, mais avant tout pour des raisons financières et moins pour répondre à des motivations environnementales.
De leur côté, les enseignes tentent de s’emparer du sujet. Depuis 2021, nombreuses sont celles à s’être lancer sur le crédo, par conviction ou opportunisme. On a ainsi vu fleurir les initiatives pour proposer des produits de seconde main, au sein des magasins ou sur leur site internet. Mais y a-t-il un réel potentiel de développement pour les acteurs traditionnels ?
24 % des Français seraient prêts à louer plutôt qu’acheter un équipement (en dehors d’une voiture). Ce chiffre en progression de + 5 points par rapport à janvier 2020 témoigne d’une tendance de fond qui émerge à son rythme. Au registre des équipements les plus plébiscités, citons le matériel High Tech : 15% des Français pourraient les louer, smartphone en tête (10%). La location de vêtements pourrait, quant à elle, attirer 8 % des Français.
Fortes disparités générationnelles : près d’un jeune sur 2 prêt à louer plutôt qu’acheter un équipement (hors voiture) :

Les familles avec enfants de moins de 15 ans semblent en partie prêtes à franchir le pas : 34 % d’entre elles envisagent de louer plutôt qu’acheter des équipements. Le critère financier reste là encore déterminant. Les familles les plus contraintes seraient moins enclines à s’engager dans des contrats de location qu’elles jugent sans doute trop onéreux (26 % d’entre elles).
Reste aux marques à répondre un double défi : être capables de proposer des offres attractives pour le consommateur, tout en développant un modèle rentable. Un pari difficile à relever ?
Si nous sommes encore loin d’une société de l’usage, il est une pratique déjà bien ancrée dans la consommation des Français : le recours à la seconde main et plus globalement à l’occasion.
60 % d’entre eux ont, au cours des 12 derniers mois, vendu ou acheté des produits d’occasion, voire opté pour des produits reconditionnés. Quasiment autant de Français vendent des biens de seconde main (36 %) qu’en achètent (40 %).
Le marché de la seconde main reste largement structuré autour des échanges CtoC :

C’est un marché qui reste largement structuré autour des échanges C2C. Un tiers des Français ont acheté des produits d’occasion entre particuliers, principalement via des plateformes C2C, tels Vinted, Leboncoin ou Facebook Marketplace. Si nombreuses sont les enseignes à s’être lancer sur ce crédo, les Français sont deux fois moins à déclarer acheter d’occasion dans une enseigne, en magasin ou via leur site internet. Offres pas encore assez développées, pas assez accessibles ni visibles ou problème de légitimité des acteurs traditionnels, aux yeux des consommateurs ? Reste qu’il existe un potentiel de développement sur ce marché, notamment pour des produits High Tech, pour lesquels la garantie de qualité reste un critère fondamental. Aujourd’hui, 18 % des Français achètent des produits reconditionnés, remis en état comme neufs, et répondant ainsi à un besoin de réassurance.
Là encore, subsistent de fortes différences générationnelles : si 71 % des moins de 45 ans ont recours à ce marché, seuls 47 % des plus de 60 ans ont déjà franchi le pas. L’achat d’occasion est particulièrement prisé par les familles avec enfants de moins de 15 ans : la moitié d’entre elles l’ont intégré dans leurs pratiques. Les jeunes, quant à eux, se distinguent par un usage plus marqué de produits reconditionnés : 29 % d’entre eux en achètent. C’est un moyen pour eux d’accéder à des smartphones ou autres produits high tech derniers cris, à des prix plus abordables.
Les consommateurs sont prêts. La seconde main représente un réel potentiel de développement pour les marques et enseignes. Reste à savoir si elles sauront capables de se créer une place, face à l’hégémonie des plateformes C2C et développer des modèles rentables, leur apportant un réel chiffre d’affaires additionnel. A n’en pas douter, elles devront pour cela axer leur positionnement autour de la réassurance en apportant des garanties qu’une relation directe entre consommateurs n’offre pas.
Tendance 6 – La crise, coup d’arrêt pour les projets des Français ?
Face à un avenir incertain et un accroissement des tensions budgétaires bien réel, les arbitrages vont s’imposer pour nombre de Français. Cela se traduira sans doute par un recours accru aux enseignes Low-cost et Hard discount qui vont ainsi poursuivre leur croissance. Le marché de l’occasion pourrait également offrir une autre alternative et connaître ainsi un nouveau développement.
Depuis la crise sanitaire et les confinements successifs, les Français ont continué d’envisager des projets à moyen terme :

Il est difficile aujourd’hui de déterminer que va-t-il advenir des projets d’achat, compte tenu de la crise actuelle à laquelle les Français sont désormais confrontés. Pour une partie d’entre eux, les plus fragiles, notamment, cela peut signifier reporter les achats jugés comme non prioritaires, privilégier des produits de qualité moindre ou développer des stratégies passant par la recherche des bons plans ou l’intensification du recours à la seconde main.
Si les projets d’achat sont pour certains facilement reportables, qu’en sera-t-il des projets de rénovation ? La belle dynamique initiée depuis le Covid pourra -t-elle être maintenue, compte tenu de la forte hausse des matières premières ? Sans doute, en partie. En effet, ce sont les cibles les plus aisées qui s’avèrent les plus enclines à engager des travaux de rénovation de l’habitat : 41% des familles aisées avec enfant(s) de moins de 15 ans et 40% des quinquas aisés. En revanche, certains de ces projets ne seront peut-être pas réalisés tels qu’envisagés initialement, impliquant par exemple une réduction de l’étendu des travaux entrepris.
Les Français estiment à 61% le poids des dépenses contraintes dans leur budget, qu’il s’agisse de dépenses obligatoires (loyers, crédits, impôts, charges, assurances, pensions alimentaires) ou de dépenses pré-engagées(abonnements téléphoniques, Internet, chaînes payantes, frais de transports etc.), l’épargne représentant 10% de leur budget et le reste à vivre 29%.
Plus les Français disposent de revenus faibles, plus les charges contraintes pèsent sur leur budget :

Bien entendu, cela affecte la capacité d’épargne comme le reste à vivre des plus bas revenus. Si les plus aisés sont armés pour faire face à la crise actuelle, quitte à puiser dans leur épargne, la situation s’avère critique pour les plus fragiles, pour qui la crise pourrait bel est bien marquer un coup d’arrêt à bon nombre de leurs projets.
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